
La bague choisie un soir d’hiver
Share
Hier soir, en rangeant la caisse, je repensais à cette cliente de l'année dernière. Vous savez, ces rencontres qui vous marquent sans qu'on sache vraiment pourquoi.
C'était un mardi pluvieux de mars. J'étais seule dans la boutique, je vérifiais les stocks quand cette jeune femme est entrée, suivie de près par son copain. Tous les deux trempés, ils rigolaient en secouant leurs parapluies.
« Excusez-nous pour les flaques ! » a-t-elle lancé en souriant.
Ils se sont approchés du comptoir central, curieux mais sans urgence apparente. Elle s'est mise à regarder nos créations en or, lui feuilletait distraitement un catalogue.
Au bout d'un moment, elle m'interpelle : « Dites, ces alliances là, elles sont uniquement pour les mariages ou on peut les porter comme ça ? »
Question inhabituelle. J'explique qu'il n'y a aucune règle, que l'or se porte selon l'envie de chacun. Ses yeux s'illuminent.
« Parfait ! Parce que moi, j'adore les bagues mais je trouve qu'on attend toujours une excuse pour s'en offrir. »
Son ami approuve d'un hochement de tête. « Elle a raison. Pourquoi se priver ? »
Elle commence à essayer différents modèles. Une bague ciselée qu'elle trouve trop chargée, une autre sertie de petites pierres qui accroche ses pulls. Puis elle tombe sur un simple anneau en or jaune 18 carats, tout lisse, presque minimaliste.
L'effet est immédiat. Ses gestes deviennent plus assurés, elle tend sa main dans tous les sens pour voir l'effet.
« Oh regarde ! » dit-elle à son compagnon.
Il s'approche, examine attentivement. « Ça te va super bien. C'est tout toi, cette simplicité. »
Elle me demande le prix. Quand je lui annonce, elle échange un regard avec lui. Ils chuchotent quelques secondes.
« On réfléchit cinq minutes ? »
Je les laisse tranquilles. Depuis la réserve, j'entends leurs voix étouffées, quelques rires. Quand je reviens, c'est décidé.
« Allez, on fonce ! On n'a pas besoin d'attendre Noël pour se faire plaisir. »
Pendant que j'emballe la bague, elle m'explique leur philosophie : « On économise toujours pour les autres, pour les cadeaux, les vacances, l'appartement. Là, c'est juste pour moi, pour nous. Ça fait du bien. »
Huit mois après, elle revient avec une amie. Elle porte toujours sa bague, qui a pris cette belle teinte dorée que donne le contact quotidien avec la peau.
« Je vais lui raconter comment j'ai eu ma bague ! » me glisse-t-elle en aparté.
Son amie écoute l'histoire en souriant. « Tu as eu raison, elle est magnifique. Et puis c'est votre histoire à vous deux. »
En effet. Cette bague raconte leur complicité, leur spontanéité, ce moment de liberté qu'ils se sont accordé un mardi pluvieux.
Voilà ce que j'aime dans ce métier : accompagner ces décisions qui viennent du ventre, pas de la tête. Ces achats qui cassent la routine, qui disent « moi aussi j'ai le droit de me faire plaisir ».
L'or 18 carats, c'est solide, ça dure. Comme ces moments de bonheur qu'on se donne sans raison valable.
Chez nous, à la bijouterie Azor, on voit défiler tous les profils. Les futurs mariés stressés, les papas qui cherchent le cadeau parfait, les grands-mères qui veulent transmettre. Mais mes préférés restent ceux qui poussent la porte par hasard et repartent avec un sourire.
Parce qu'au final, les plus beaux bijoux sont ceux qu'on choisit avec le cœur, pas avec le calendrier.